Article publié avec l'aimable autorisation de theheart.org/Edition Française
Dr Gérald Phan
FOP et plongée sous-marine : que dire à vos patients ?
1 août 2005 Pascale Solère
Levallois Perret - France. Un quart à un tiers de la
population générale présenterait un foramen ovale perméable (FOP) [1].
Un quart des plongeurs plonge donc probablement avec un FOP sans faire
nécessairement d'accidents. Les accidents de décompression restent en
effet rares, de l'ordre de 3,5 cas/10.000 plongées. Pourquoi ? "Parce
que le FOP ne crée pas le risque, il l'accroît seulement, explique le Dr
Gérald Phan, cardiologue (Levallois-Perret et hôpital Bichat-Paris) et
médecin fédéral FFESSM*. Le cardiologue doit néanmoins peser les
contre-indications cardiologiques à la plongée."
*Fédération Française d'Études et de Sports Sous-Marins.
Les contre-indications cardiaques légales: insuffisance cardiaque et/ou traitement par bêtabloquants.
La plongée sous-marine exerce des contraintes cardiaques (cf
encadré 1). Dans la plupart des cas, l'interrogatoire, un bilan standard
et un test d'effort suffisent à dépister et éliminer une pathologie
cardiaque contre-indiquant cet exercice. Sachant que seules
l'insuffisance cardiaque et, en France, le traitement par bêtabloquant,
contre indiquent légalement la plongée sous marine.
Ce qui signifie tout de même que les coronariens stables,
classiquement sous bêtabloquants, sont donc « interdits » de plongée en
France : une disposition légale motivée par le risque de bradycardie et
la limitation d'effort qui en résulte.
"Pourtant, en prise continue, la limitation d'effort est
réduite et le risque de bradycardie limité en plongée bouteille,
contrairement à ce qui se passe en apnée. Les coronariens pourraient
donc à l'avenir être autorisés à plonger - des discussions sont en cours
- à condition toutefois, souligne le Dr Phan, de limiter les efforts,
d'exclure les grands bradycardes, ceux présentant une ischémie
résiduelle ou même une grosse cicatrice d'infarctus (risque de trouble
du rythme).
Quant aux valvulaires, la décision dépend de la tolérance de
la cardiopathie. Est elle capable d'encaisser la surcharge de pression
et de volume due à l'immersion, au froid, à l'effort physique ? Une
échocardiographie avec test d'effort s'impose alors. En absence de
normes officielles, un expert américain (Bove, Duke University) a
proposé de se limiter aux valvulaires capables de faire plus de 13 METs*
à l'épreuve d'effort.
*MET : Equivalent Métabolique : calories brûlées/minute au repos
Encadré 1
Plongée et cœur : physiopathologie
-L'immersion (même dans le bain) entraîne une
redistribution considérable du volume sanguin circulant au profit du
volume sanguin central et une augmentation de tous les volumes
cardiaques.
- Le froid induit une vasoconstriction périphérique
-- qui augmente encore cette redistribution et les contraintes cardiaques
-- à laquelle s'ajoute une bradycardie réflexe, maximale dans les 30 premières secondes.
-La pression joue faiblement en plongée " sportive " à moins de 40 mètres (bradycardie augmentée au-delà).
- En revanche la décompression lors de la remontée et
le relargage d'azote associé sont à l'origine d'accidents de
décompression (ADD), potentiellement graves, dont 80% surviennent dans
l'heure qui suit la sortie de l'eau.
Pour connaître l'ensemble des contre-indications à la «
Plongée en scaphandre » ou remplir un certificat de non
contre-indication à la pratique de ce sport, aller sur le site de la
FFESSM ou télécharger le pdf.
Lien vers :
Contre indications fédérales
Décompression normale et pathologique
En décompression normale, l'azote dissout dans les tissus
repasse dans le sang générant des micros bulles normalement éliminées
lors du passage dans le poumon.
Si la décompression se fait mal
- remontée trop rapide ou état physiologique (fatigue,
déshydratation…) dans lequel l'élimination d'azote est réduite
- les bulles d'azote seront plus volumineuses et/ou plus nombreuses.
Elles peuvent alors :
- dilacérer localement les tissus, en particulier au niveau
des muscles (augmentation des CPK) et des tendons à l'origine des
douleurs post-plongée : accidents bénins de type I (douleurs, prurit,
gonflements cutanés et ostéo-articulaires).
- bloquer un plexus veineux qui, s'il est médullaire, est à
l'origine des accidents neurologiques médullaires, de loin les plus
graves
- dépasser la capacité de filtrage du poumon et arriver au
cœur, entraînant un risque d'embolie gazeuse artérielle à l'origine
d'accidents essentiellement :
- vestibulaires, toujours réversibles en termes de symptômes (via la compensation par l'autre oreille)
- ischémiques cérébraux ; transitoires ou pas, selon le délai
de mise en route du traitement par caisson hyperbare. C'est à ce niveau
que la présence d'un shunt de type FOP majorerait le risque d'accident
de décompression.
FOP et accidents de décompression : un risque multiplié par 2 à 5 selon les études
La barre des 30 mètres- Aux États-Unis, on enregistre moins
d'accidents neurologiques qu'en France mais en revanche plus d'accidents
coronariens. Parce que les Anglo-saxons restent généralement en deçà de
la barre des 30 mètres et qu'au-delà, le risque croît nettement comme
en témoignent les statistiques d'accidents.
Faut il dépister les FOP ? « Non, pas en plongée sportive …car
le risque absolu d'accident de décompression est faible, … » Dr G Phan
(Levallois-Perret)
Plusieurs études cas-témoins ont mis en évidence une
relation entre FOP et accidents de décompression (ADD), en particulier
de siège cérébral ou vestibulaire. L'étude publiée par Bove en 1998
retrouvait 43% de FOP à l'échocardiographie transthoracique lors
d'accident et 46% pour les seuls accidents de type II par comparaison
aux 28% de FOP des témoins appariés [2]. Germonpré la même année mettait
en évidence une augmentation significative des accidents cérébraux en
présence de FOP à l'échocardiographie transoesophagienne (cf tableau 1),
quelle que soit la taille du shunt. En revanche il ne retrouvait pas de
différences significatives en termes d'accident médullaire [3].
Une étude Suisse a par ailleurs rapporté une augmentation des
lésions cérébrales de la substance blanche chez les plongeurs porteurs
d'un FOP, à l'IRM, par comparaison à des plongeurs témoins et des
non-plongeurs avec ou sans FOP [4]. Très critiquée du point de vue de
l'imagerie par les neurologues, cette étude cas-témoin prêche pour un
risque relatif de lésions cérébrales multiplié par 4,5 à 5 en cas de FOP
chez les plongeurs. Mais d'après une étude récente [5], ce surrisque ne
serait significatif que pour des FOP de taille moyenne ou grande.
En pratique
heartwire : Faut il dépister les FOP chez les plongeurs ?
Dr Gérald Phan : Non, pas en plongée
sportive donc hors plongée à grande profondeur. Car le risque absolu
d'accident de décompression est faible, même en cas de FOP, les tables
de décompression ayant été validées sur une population dont près d'un
quart avait un FOP… Il est en revanche plus difficile de refuser ce
dépistage à un patient demandeur. Il faut par ailleurs y penser après un
accident « typique » de type vestibulaire ou cérébral hémisphérique,
survenant dans la demi-heure après la sortie de l'eau et favorisé par
une manœuvre de Valsalva à la remontée ou au retour en surface. La
découverte d'un FOP après un premier accident contre-indique la reprise
de la plongée.
heartwire: Que conseiller à un plongeur porteur d'un FOP ?
Dr G. Phan : Il faut avant tout l'informer
du surrisque d'accident de décompression et conseiller l'arrêt de la
plongée. Et si le patient décide de continuer néanmoins à plonger,
expliciter les procédures qui permettent de réduire le nombre de bulles
et donc le risque d'accident.
-limiter la profondeur (pas plus de 25-30 mètres), le
temps passé au fond, et le nombre de plongées (pas plus d'une/jour)
- remonter lentement en respectant strictement les tables
de décompression, ralentir dans les 10 derniers mètres en ajoutant un
palier systématique (3 minutes à 3 mètres ou 5 minutes à 5 mètres) tout
en maintenant une activité modérée au palier (pour favoriser
l'élimination d'azote)
- augmenter l'apport en oxygène au palier ou en surface :
oxygène pur au palier, plongée au Nitrox, mélange 30/70, plus riche en
O2 que l'air comprimé (20/80)
- éviter les surpressions dans la cavité cardiaque droite
donc PAS de MANŒUVRE DE VALSALVA (utilisée pour équilibrer l'oreille
moyenne), pas d'effort pour aller à la selle après la plongée et
limitation des efforts physiques à la sortie de l'eau (se faire hisser
sur le bateau, ne pas porter les bouteilles …)
heartwire : Comment voyez vous l'avenir ?
Dr G. Phan : Aujourd'hui nombre de données
nous manquent. Mais l'étude prospective de détection des FOP chez les
plongeurs n'ayant pas fait d'accident (Divers Alert Network Europe), en
cours, va nous donner une idée du risque absolu d'accident de
décompression chez les plongeurs ayant un FOP. Il faut néanmoins
souligner que la fermeture d'un FOP n'est envisageable que dans un
nombre restreint de cas, notamment chez les plongeurs professionnels
ayant fait un accident attribuable au FOP. D'autant que l'on ne sait pas
aujourd'hui dans quelle mesure la fermeture d'un FOP est protectrice,
d'une part. Que cette procédure n'est pas dénuée de risques, d'autre
part.
Références
1. Bove A. in Fitness to dive 34th UHMS workshop; 31-35 Bennett
2. Elliott The physiology and medicine of diving. Saunders ed. London 1993.
3. Germonpre P, Dendale P, Unger P et al. Patent foramen ovale and
decompression sickness in sports divers.J Appl Physiol 1998 ; 84 :
1622-1626.
4. Schwerzmann M et coll. Relation between directly detected patent
foramen ovale and ischemic brain lesions in sports divers. Ann Int Med
2001;134:21-24.
5. Torti SR et al : Risk of decompression illness among 230 divers in
relation to the presence and size of patent foramen ovale . Eur Heart J
2004 ; 25, 1014-1020.